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Détenus expédiés à la prison de Makokou : les familles exigent l’organisation d’un procès

IMG Les familles des détenus font le sit-in devant le tribunal de Libreville.

Dans la grande symphonie des promesses républicaines, il arrive toujours un moment où la justice gabonaise joue faux. Et c’est dans cette dissonance nationale que résonne la plainte du Collectif des parents des jeunes arrêtés et oubliés à Makokou, qui, ce 2 juillet, a bien voulu nous rappeler, devant le palais de justice de Libreville, que l’on peut disparaître en République et que personne ne s’en formalise surtout pas la justice.

 

Ils sont donc 30. Trente jeunes, arrêtés à Libreville, par la très discrète Direction générale des services spéciaux (DGSS). Trente jeunes, transférés en catimini à Makokou dans un avion militaire, comme s’ils représentaient une menace nucléaire pour la capitale. Et depuis ? Rien. Silence. Le néant administratif. Huit mois plus tard, pas de jugement, pas d’explication, pas même une visite autorisée. La justice gabonaise, dans toute sa majestueuse lenteur, préfère méditer. On la devine en train de relire ses codes de procédure, pour vérifier s’il est bien précisé quelque part qu’on ne peut pas traiter des citoyens comme des colis de fret.

 

Devant le tribunal de Libreville, les parents ont eu le culot de venir troubler la sieste institutionnelle. On les a vus lever leurs pancartes et oser demander des comptes. Ils ont même eu l’indécence de rappeler que la juge d’instruction est à Libreville, alors que les « prévenus » sont à Makokou. Une juge d’instruction qui, semble-t-il, croit pouvoir les entendre par télépathie ou par pigeon voyageur. « Que la juge puisse les auditionner, que l’avocat puisse les écouter et qu’on en finisse. Que les coupables soient jugés, que les innocents soient relâchés », a imploré Lucie Edzan Mbele-Loussou, la porte-voix du Collectif, sans se rendre compte qu’elle demandait l’impossible : l’application du droit.

 

Car au Gabon, c’est bien connu, la justice sait prendre son temps. Elle n’est jamais pressée par ces futilités qu’on appelle droits de l’homme, présomption d’innocence ou procès équitable. Elle préfère se consacrer à l’essentiel : son prestige. Et puis, dans cette nouvelle 5e République qu’on nous vend déjà comme un renouveau démocratique, il serait tout de même dommage de se précipiter et de donner l’impression qu’on se soucie réellement des citoyens ordinaires.

 

On nous promet pourtant une justice réformée, digne et respectueuse. Mais visiblement, ces jeunes de Makokou ne figurent pas sur la liste des priorités. On aurait tort de s’inquiéter : après tout, ils ont eu droit à un voyage en avion militaire offert par l’État. Un petit détour par la case Makokou, cela ne fait de mal à personne. Pour le reste procès, jugement, droit de visite qu’ils prennent leur mal en patience. Et puis, Makokou est loin, cela évite aux magistrats d’avoir à se souvenir d’eux.

 

Cette affaire, qui aurait dû scandaliser les plus hautes autorités judiciaires, n’émeut personne. Elle se résume à un chiffre : 30. Une trentaine de noms, anonymes, sans visage, perdus dans les méandres d’une administration sans mémoire. On se demande même s’il ne faudrait pas remercier la DGSS pour avoir inventé ce concept de détention « administrative prolongée », qui, apparemment, échappe à tout contrôle.

 

Alors que le Gabon se targue d’entrer dans la 5e République et de redonner confiance aux citoyens, il serait peut-être temps que la justice cesse de se cacher derrière son silence. Car à force d’oublier des citoyens en prison, c’est la République elle-même qui finira par être jugée.

 

En attendant, les familles continuent de manifester, avec un espoir tenace. Comme quoi, malgré tout, la foi des Gabonais en leur justice reste plus forte que celle de leurs juges en la justice elle-même. Et ça, c’est presque une bonne nouvelle.

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