C’est officiel : le bâtiment des Archives nationales de Batterie IV va être détruit. Oui, rasé, démoli, pulvérisé. Et non, ce n’est pas une perte. Ce n’est même plus une décision, c’est une délivrance nationale. Car soyons honnêtes : ce bâtiment était devenu l’ombre de lui-même, un vestige moisi d’une époque où la mémoire de l’État avait encore droit à quelques mètres carrés humides, certes mais symboliques.
Construit en 1970, puis rénové à la hâte et à la va-comme-je-te-pousse, l’édifice n’avait plus rien d’un sanctuaire de la mémoire nationale. L’humidité s’y installait comme chez elle, les vents marins y chantaient leur chanson de délabrement, et les voleurs eux entraient comme dans un moulin pour emporter quelques pages d’histoire. C’est donc sans grande émotion que le Vice-président du Gouvernement, Alexandre Barro Chambrier, a annoncé sa démolition : « Sur instruction du Président de la République, Chef de l’État, Son Excellence Brice Clotaire Oligui Nguema, le Gouvernement a décidé de raser le bâtiment actuel des Archives nationales et de lancer la construction d’un nouveau siège, moderne, sécurisé, adapté aux normes archivistiques internationales ».
Une archive devenue amnésique
Il fallait bien en arriver là. À force de délaisser la mémoire, la mémoire s’est vengée. La Direction générale des Archives nationales, la Bibliothèque nationale et la Documentation gabonaise étaient logées dans un bâtiment qui en disait long sur la considération accordée à notre patrimoine : infiltrations, coupures d’électricité, rayonnages croulants, climatiseurs à l’agonie. Et surtout : des documents introuvables, effacés, ou illisibles. On en vient même à se demander si l'administration n’a pas commencé à confier sa mémoire... à WhatsApp.
Plus personne ne prenait cette institution au sérieux, et les archives nationales elles-mêmes semblaient avoir perdu la trace d’elles-mêmes. Nous avons ainsi assisté à la lente fossilisation d’un lieu censé conserver la vie documentaire d’un État.
Un enterrement de première classe (enfin !)
Alors oui, il faut louer la décision du gouvernement : détruire, pour mieux reconstruire. L’État reconnaît enfin que l’archive n’est pas un rebut du passé, mais une fondation de l’avenir. Avec la mise en œuvre du programme Gabon-Digital (financé à hauteur de 44 milliards FCFA par la Banque mondiale), la mémoire administrative a une chance de renaître, non pas dans la moisissure, mais dans des serveurs bien ventilés, dans des salles de conservation climatisées, avec des index numériques qui ne s’évaporent pas à la première panne de courant.
C’est peut-être la première fois depuis des décennies que la mémoire gabonaise va bénéficier d’un traitement digne, au lieu de moisir entre deux tiroirs cassés. Un tournant ? Il faudrait encore que la promesse ne reste pas lettre morte. Car au Gabon, ce ne sont pas les annonces qui manquent, c’est la mémoire… des annonces.
Le vrai défi commence maintenant
Détruire le vieux bâtiment, c’est facile. Le remplacer par un centre d’archives moderne, sécurisé, numérique, ouvert à la recherche, c’est une autre affaire. Il faudra des moyens, de la compétence, et surtout de la volonté politique durable. Car l’archivage n’est pas sexy, ne génère pas de buzz, ni de likes. C’est un travail de fourmi, lent, rigoureux. Exactement ce que nos gouvernements successifs ont toujours eu du mal à faire. Mais pour une fois, donnons crédit à cette décision. Elle est salutaire. Il était temps d’enterrer dignement ce bâtiment qui, ironie du sort, avait fini par archiver lui-même sa propre inutilité.
Où est le bâtiment temporaire qui abritera les archives nationales pendant la durée de construction ?????
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