C’est officiel : le procès tant attendu de Sylvia Bongo Ondimba, son fils Noureddin et consorts est repoussé. Oui, encore. Initialement programmé du 21 au 25 juillet, il est désormais fixé… du 10 au 14 novembre 2025. Une date bien lointaine, presque une éternité dans un pays où la justice a souvent le pas lent quand il s’agit de puissants.
Le parquet général, par la voix de son procureur Eddy Minang, s’est voulu rassurant : ce report, dit-il, n’est pas un ajournement politique, mais une marque de « respect pour les droits de la défense ». On applaudirait presque, si ce refrain ne nous semblait pas déjà connu. « Dans le souci de respecter les principes d’un procès contradictoire et équilibré entre les parties », nous dit-on. Une formule juridique élégante, qui traduit en réalité une vérité moins reluisante : la machine judiciaire gabonaise n’était pas prête. Pas prête à affronter le choc d’un procès où la justice est attendue au tournant. Pas prête à juger la Première dame d’hier devenue la prévenue d’aujourd’hui.
Car c’est bien là que réside la satire : depuis près d’un an, la communication officielle martèle que « nul n’est au-dessus de la loi ». Mais dès qu’il faut joindre les actes aux mots, les avocats s’éclipsent à l’étranger, la défense prend des vacances et la justice se donne des délais. Voilà donc que ce procès symbolique, censé incarner la rupture avec des décennies d’impunité, démarre déjà avec des faux-semblants.
Ce report pose d’ailleurs une question politique plus large : la justice gabonaise saura-t-elle aller au bout ? Ou finira-t-elle par livrer à l’opinion quelques lampistes en guise de trophées, pendant que les figures centrales s’en tireront par le jeu d’un interminable feuilleton judiciaire ? On se souvient du célèbre proverbe fang, « on ne chasse pas le serpent en commençant par la queue ». Or, depuis septembre dernier, la justice a multiplié les perquisitions, les auditions et les gardes à vue, mais sans jamais porter le coup final.
Dans ce dossier, les enjeux sont colossaux. Il s’agit de solder l’héritage financier d’un demi-siècle de règne Bongo, tout en préservant la crédibilité des institutions. Si le procès se transforme en mascarade, la crédibilité du « renouveau » promis par la transition en souffrira durablement.
Le procureur général, sans doute conscient de la fragilité de la situation, a pris soin de souligner sa « responsabilité institutionnelle » et la « transparence de la procédure ». On aimerait le croire. Mais dans un pays où la justice donne trop souvent l’impression de se pencher plus sur les ventres que sur les textes, la prudence reste de mise.
En attendant novembre, la salle d’audience reste vide, les avocats peaufinent leur stratégie et le public continue de ruminer son scepticisme. Il reste à espérer que la justice gabonaise saura enfin montrer que ses balbutiements ne sont pas un signe de soumission politique, mais la lente marche vers un véritable État de droit. Rendez-vous dans quatre mois. Sauf, bien sûr, si d’ici là… un nouveau report nous apprend que même la justice, parfois, prend des vacances.
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