À la 80e Session de l’Assemblée générale des Nations unies, le président gabonais Brice Clotaire Oligui Nguema s’est présenté non plus comme le chef d’une transition militaire, mais comme le premier président élu d’un « Gabon nouveau ». Dans un discours de plus d’une demi-heure, empreint d’un ton solennel et résolument tourné vers l’avenir, le dirigeant gabonais a choisi de conjuguer sa propre légitimité retrouvée avec un message clair : l’Afrique ne veut plus être spectatrice, mais actrice de son destin.
Au-delà des formules protocolaires, l’allocution a surtout mis en lumière un panafricanisme assumé, teinté de pragmatisme économique. En dénonçant « l’inacceptable cantonnement des nations africaines au rôle de pourvoyeuses de matières premières », Oligui Nguema a réitéré une exigence devenue récurrente sur la scène internationale : la transformation locale des ressources et la création de filières industrielles africaines. Un message qui s’inscrit dans la continuité des positions déjà portées par des figures comme Kwame Nkrumah ou Thomas Sankara, mais ici exprimé dans un langage conciliateur, davantage tourné vers les « partenariats gagnant-gagnant » que vers la rupture frontale.
Sur le plan politique, le chef de l’État a rappelé la singularité du processus gabonais, qualifié de « transition pacifique et exemplaire ». L’organisation des prochaines législatives et sénatoriales d’ici la fin de l’année 2025 doit, selon lui, sceller définitivement le retour à l’ordre constitutionnel. Une manière de présenter le Gabon comme un modèle d’alternance apaisée dans une Afrique centrale encore marquée par les convulsions politiques.
Mais c’est surtout dans la dimension internationale que son discours a pris une résonance particulière. Oligui Nguema a réaffirmé la position traditionnelle du Gabon sur la Palestine, appelé à la levée de l’embargo contre Cuba et exigé une réforme du Conseil de sécurité « tenant compte des exigences africaines exprimées à travers la Déclaration de Syrte et le Consensus d’Ezulwini ». Ces références précises trahissent une volonté de s’inscrire dans le sillage du mouvement réclamant une représentation africaine plus forte dans les instances décisionnelles mondiales.
Enfin, le président gabonais a tenu à rappeler le rôle stratégique de son pays dans la préservation du Bassin du Congo, deuxième poumon vert de la planète, en conditionnant sa protection à une « juste rémunération pour les services écologiques rendus à l’humanité ». Une position qui conjugue souveraineté nationale et appel à la responsabilité collective.
Analyse
Le discours d’Oligui Nguema s’inscrit dans une ligne de panafricanisme réaliste, qui ne rompt pas brutalement avec l’ordre international mais cherche à y repositionner l’Afrique comme un interlocuteur central. L’homme de la « libération du 30 août » apparaît désormais sous les traits d’un président civilisé par l’épreuve du pouvoir, mais qui n’entend pas renoncer à la rhétorique panafricaine, indispensable pour asseoir sa stature continentale.
Le pari est clair : faire du Gabon un symbole de stabilité et d’indépendance économique, tout en capitalisant sur la scène internationale pour imposer une voix africaine réformiste et décomplexée. Reste à savoir si ce panafricanisme diplomatique trouvera un prolongement concret dans les réalités socio-économiques d’un Gabon encore confronté aux inégalités et à une économie dépendante de l’exportation brute.
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