Si les morts ont une conscience, alors le défunt Omar Bongo Ondimba, patriarche fondateur du Parti démocratique gabonais (PDG), doit aujourd’hui s’arracher les derniers cheveux qu’il lui restait dans l’au-delà. Lui qui a façonné un empire politique avec une minutie d’horloger, hébergeant dans son parti toute une faune de fidèles, de flatteurs et de faucons, assiste désormais, impuissant depuis l’au-delà, à un défilé obscène de démissions. Non pas des départs de conviction, mais des abandons de poste à haute teneur en opportunisme.
Depuis la présidentielle du 12 avril dernier, on assiste à une véritable purge par instinct de survie. Les rats quittent le navire PDG non pas parce qu’il coule, mais parce qu’ils entendent la musique d’un autre bateau : celui d’Oligui Nguema. À croire que la loyauté politique au Gabon se dissout au contact du pouvoir, comme le sucre dans le thé.
Car enfin, de quoi s’agit-il ? De cadres, d’élus, de figures locales qui hier encore faisaient des génuflexions devant Ali Bongo, jurant fidélité au PDG comme à un dogme sacré, et qui aujourd’hui déclarent, la bouche pleine de repentir stratégique, vouloir se « mettre à la disposition » du nouveau chef. Quelle audace. Quelle agilité. Quelle honte !
Si Omar Bongo voyait ça, il vomirait ses décennies de gouvernance. Car c’est bel et bien lui qui a ouvert sa porte à cette cohorte de carriéristes déguisés en militants. Il les a formés, nommés, élevés, enrichis. Et en retour ? Ils déposent leur carte du parti comme on jette une vieille serpillière usée par les scandales. Ce n’est pas une saignée, c’est une trahison collective, un déshonneur politique en mondovision.
Le PDG ? Ce n’est plus un parti. C’est un vestiaire. On y entre, on s’y change, et on ressort rhabillé aux couleurs du pouvoir en place. La décision de ne pas présenter de candidat à la présidentielle de 2025 est le point final d’un roman de reniements. Le "parti des masses" est devenu le "parti des lâches", et ses anciens fidèles des satellites en orbite autour du nouveau soleil : Oligui.
Mais ne vous y trompez pas : ces démissions ne sont pas un acte de courage, encore moins une prise de conscience. C’est une stratégie de recyclage. On ne quitte pas le PDG pour expier ses fautes, on le quitte pour espérer survivre sous une autre étiquette. C’est le jeu du camouflage, et la jungle politique gabonaise en est friande.
Le plus pathétique, c’est ce ton d’humilité feinte adopté par les démissionnaires. Ces gens qui pendant des années ont été les bras armés d’un système de prédation, qui ont profité des privilèges du parti unique maquillé en démocratie, se présentent aujourd’hui comme de simples citoyens responsables. À mourir de rire… ou de dégoût.
Alors que les élections législatives et municipales approchent, les crocodiles changent de mare. Le PDG, lui, ramasse les os d’un édifice qu’il croyait éternel. Et pendant ce temps, quelque part dans le silence de sa tombe, Omar Bongo doit se demander s’il n’a pas passé quarante ans à bâtir une maison pour des gens qui ne méritaient même pas un abri. Tragédie politique ? Non. Farce nationale.
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