C’est le titre du dernier numéro du journal La Cigale Enchantée. L’hebdomadaire satirique révèle et décrit la descente aux enfers des agents de la société Socoba EDTPL, propriété de la famille Bongo.
Orca Boudiandza Mouele
Des agents qui accusent près de 9 mois sans salaires, une crise sociale qui a atteint son pique, l’arrêt des activités : en ce mois de septembre 2025, les agents de l’entreprise Socoba EDTPL viennent de décider de tout arrêter. Au Pont Nomba, au siège social de l’entreprise, les agents ont affiché les pancartes visant à faire savoir leur ras-le-bol. Face à la grogne qui monte au sein de l’entreprise, la direction générale se vautre dans le silence. Un silence inquiétant expression d’une forme d’impuissance.
La situation financière de l’entreprise propriété des Bongo, notamment du beau-fils de l’ex famille régnante, Jean-Claude Baloche, est calamiteuse. Cette situation serait principalement liée aux créances impayées de l’État, estimées par des sources internes à plus de 15 milliards de FCFA, malgré les nombreux chantiers réalisés par l’entreprise pour le compte de l’Etat gabonais.
Face à cette crise, le gouvernement avait promis d’étudier des mécanismes de règlement des créances et d’accompagner l’entreprise dans un plan de restructuration visant à préserver l’outil industriel et les emplois. Mais des mois après, il n’y a eu aucun virement de la part de l’Etat alors que plusieurs autres entreprises du BTP passent à la caisse. De quoi s’inquiéter ? Sans doute. Avec l’arrivée du nouveau régime, Socoba EDTPL est passée du statut d’entreprise importante du secteur BTP à société en crise avec le risque de fermeture.
Socoba EDTPL et Delta Synergie : des liens occultes
Au Gabon, il y a une légende urbaine qui raconte que si vous ouvrez une boîte de sardines, vous trouverez une action de Delta Synergie coincée sous le couvercle. Exagéré ? A peine. Pendant des décennies, cette holding a été le supermarché privé de la famille Bongo, se servant à volonté dans l'économie nationale comme dans un buffet à volonté.
Un audit explosif, resté sous silence depuis 2012, mais exhumé par Mediapart en 2015, révèle l’étendue du pillage organisé : 50 entreprises sous contrôle, 34 milliards de FCFA de participations et de dividendes, et un conflit d’intérêts aussi flagrant qu’un éléphant dans une pirogue.
Un Etat dans l’Etat
Delta Synergie, ce fut en quelque sorte le Banquet de Platon version tropicale : tout le monde se sert, mais seuls quelques initiés connaissent la recette. Ali Bongo Ondimba : 19,5 %, Pascaline Mferri Bongo Ondimba : 19,5 %, succession Omar Bongo Ondimba : 18,5 % et le reste, réparti entre les amis du premier cercle. Une belle entreprise familiale... financée par des fonds d’origine inconnue.
D’où viennent ces milliards de FCFA investis dans des entreprises publiques et privées ? Pourquoi l’Etat gabonais attribuait-il, systématiquement, ses plus gros marchés aux sociétés contrôlées par Delta Synergie ?
Pourquoi la cellule anti-blanchiment n’a-t-elle jamais levé le petit doigt ? La réponse est simple : c’était l’arnaque parfaite. Un Etat privatisé, où le Président de la République et sa famille n’avaient plus besoin de voler les caisses publiques… puisqu’ils possédaient directement les entreprises qui signaient les plus gros contrats avec l’Etat.
Quand Delta Synergie imprimait les chèques de l’Etat... pour elle-même
L’histoire du Gabon sous Bongo, c’est un mélange de comédie et de tragédie. Imaginez, en 2010, l’Etat lance un appel d’offres pour la construction de la route Pont Octra-Port d’Owendo. Montant : 20,06 milliards de FCFA. Gagnant ? SOCOBA, une société détenue à 50 % par Delta Synergie. En 2013, le gouvernement lève 100 milliards de FCFA pour construire des logements sociaux. Devinez qui gère le prêt ? BGFIBank, où Delta Synergie détient 6,4 % des actions.
Vous pensiez que c’était fini ? Non ! Même le projet minier de Maboumine a ouvert son capital à Delta Synergie, permettant à Ali Bongo Ondimba et sa bande de gratter 5 %, une manne pourtant censée bénéficier à tous les Gabonais. En somme, l’Etat passait des marchés avec des entreprises dont le Président de la République lui-même était actionnaire. Si ce n'est pas du conflit d'intérêts XXL, alors la corruption n'existe pas.
Affaire à suivre… ou pas.
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