On connaissait Me Gisèle Eyue Bekalé pour ses envolées enflammées dans les médias en faveur de ses illustres clients. On la découvre aujourd’hui sur le banc des suspects, convoquée à la Direction générale des recherches (DGR), elle qui pensait pouvoir bousculer la Transition à coups de micro et de réseaux sociaux. La roue tourne, dit-on, mais rarement aussi vite.
À l’origine de ce remue-ménage, ces fameuses vidéos publiées début juillet par Noureddin Bongo Valentin : quelques minutes d’images censées démontrer à la face du monde le supplice infligé au fils de l’ancien président et à sa mère Sylvia. On s’attendait à des scènes insoutenables de torture, à des révélations fracassantes sur des traitements dégradants. Las… on a surtout vu un prévenu devisant poliment avec la juge d’instruction, dans un climat de cordialité presque gênant. On aurait dit une réunion de famille au palais de justice, café compris.
L’arroseur arrosé : la manœuvre de communication s’est transformée en pétard mouillé. Pis : les images ont allumé un incendie judiciaire. Comment un détenu a-t-il pu filmer et enregistrer en douce ses échanges avec la juge dans les geôles de la République ? La question est désormais au centre de l’enquête, et la réponse pointe en direction de… son propre conseil.
D’où la convocation, le lundi dernier, de Me Eyue Bekalé par les gendarmes de la DGR. Soupçonnée d’avoir joué la mule et glissé un micro espion à son client pour alimenter la stratégie victimaire du clan Bongo, elle se retrouve elle-même en posture de justiciable. Ironie d’une défense qui, à force de jouer avec les règles, finit par en franchir la ligne rouge.
Fidèle à elle-même, l’avocate avait tenté, la semaine passée, de se soustraire à une première convocation, barricadée dans son cabinet comme dans un mauvais polar. La voilà désormais sommée de comparaître, cette fois en bonne et due forme, flanquée de son bâtonnier et d’un avocat pour la représenter. Même ses confrères redoutent qu’elle ne finisse sous mandat de dépôt, tant son activisme médiatique a fini par se confondre avec un militantisme politique à la limite du légal.
Il faut dire que Me Eyue Bekalé, depuis des mois, multipliait les interviews à charge contre les autorités de la Transition, comme si le prétoire s’était déplacé sur les plateaux télé. Elle plaidait dans la rue, dans les studios et sur Facebook, souvent plus qu’au tribunal. Résultat : aujourd’hui, c’est sa propre crédibilité professionnelle qui est en procès, pour manquement au devoir de réserve, violation du secret de l’instruction et atteinte à la loyauté de la procédure. Pas mal pour quelqu’un censé défendre l’État de droit.
Du côté du fils Bongo, la stratégie reste la même : se faire passer pour la victime d’une « justice spectacle ». Mais en donnant à voir ces vidéos sans queue ni tête, Noureddin n’a fait qu’offrir à la justice gabonaise une piste royale pour remonter la filière d’un stratagème cousu de fil blanc. Difficile, après ça, de continuer à brandir l’étendard des droits humains sans éclabousser ses propres avocats.
Reste que cette affaire laisse une drôle d’impression : on ne sait plus qui défend qui, ni contre quoi. Si Me Eyue Bekalé voulait devenir un symbole, elle a gagné. Mais à force de jouer les justiciers, elle risque bien de finir… justice.
Dans cette comédie judiciaire aux accents de tragédie grecque, le public assiste, médusé, au spectacle d’une défense qui se juge elle-même. Et pendant ce temps, la Transition, elle, regarde et prend des notes.
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