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Politique

Arrestation des proches de Sylvia Bongo : lutte contre le crime ou mise en scène politique ?

IMG Les objets retrouvés chez les proches de l'ex première dame.

L’État gabonais vient-il de frapper un grand coup contre le crime organisé ou signe-t-il un nouvel épisode de sa guerre feutrée contre l’ancienne famille présidentielle ? La question se pose avec acuité depuis l’arrestation, mardi, de Frédéric Haffay, Amélie Duchesne et Mehdi Haffay tous proches de Sylvia Bongo Ondimba par la Direction générale des services spéciaux (DGSS) et l’Office central de lutte antidrogue (OCLAD).

 

L’opération, minutieusement relatée dans un communiqué officiel, se veut exemplaire : armes à feu illégales, drogue, passeports suspects et même cornes d’ivoire auraient été saisis dans le domicile des prévenus, pris en flagrant délit, dit-on, « dans le strict respect des lois de la République ». Le communiqué, tout en martelant la détermination de l’État à « restaurer l’autorité », précise qu’aucun nom ni affiliation ne saurait échapper à la justice.

 

Sur le papier, un tel zèle rassure. Mais sur la scène politique, les masques tombent. Car à peine l’opération terminée, Sylvia Bongo, ex-première dame, dégaine depuis son exil londonien une contre-attaque au vitriol : dénonciation d’un « enlèvement », d’un « chantage », d’une « monnaie d’échange » pour la faire taire. Dans sa déclaration, elle dit craindre que ses proches subissent les mêmes sévices qu’elle et son fils auraient endurés durant vingt longs mois de détention.

 

On comprend donc mieux le timing : quelques jours après la diffusion clandestine, par Noureddin Bongo Valentin, d’une série de vidéos compromettantes tournées dans les geôles gabonaises, ses proches sont cueillis à domicile. À Libreville, la rue s’interroge : la drogue et les armes ne seraient-elles qu’un prétexte commode pour frapper la famille déchue, comme pour régler un compte… ou envoyer un avertissement ?

 

Un État exemplaire… sauf quand ça dérange ?

Dans son envolée morale, le communiqué officiel ne manque pas de rappeler que « nul n’est au-dessus des lois ». On aurait aimé que cet élan d’humanité serve aussi aux centaines de détenus ordinaires, anonymes, victimes de mauvais traitements, d’isolement, de procès interminables, dans des prisons surpeuplées où même l’eau potable se fait rare. L’ONG nationale qui prône « humanisons les prisons » a d’ailleurs vu ses rapports ignorés sous Ali Bongo… et rien n’indique que le nouveau régime les lit davantage.

 

Or dans les vidéos de Noureddin Bongo, la réalité carcérale gabonaise saute aux yeux — que l’on croie ou non à ses accusations de torture. Pour ses partisans, ces images illustrent la brutalité d’un système judiciaire aux ordres ; pour d’autres, elles démontrent que même derrière les barreaux, les Bongo bénéficiaient d’un traitement privilégié. Reste que le pouvoir actuel garde le silence sur ces pratiques, préférant communiquer sur les trophées (drogue, ivoire, kalachnikovs) ramenés de ses descentes.

 

La justice : indépendante ou obéissante ?

Les prochains jours diront si ces arrestations débouchent sur un véritable procès équitable ou sur un simulacre judiciaire destiné à étouffer la contestation. Car à Libreville, nombreux sont ceux qui murmurent que la justice reste encore « militarisée » depuis le coup d’État d’août 2023, et que les enquêtes les plus sensibles se concluent par des verdicts déjà écrits.

 

D’ici là, les Gabonais, partagés entre admiration pour la « fermeté » de la transition et inquiétude face à ses dérives autoritaires, assistent à ce spectacle aux allures de tragédie grecque. Et chacun d’espérer que l’opération contre les réseaux criminels ne devienne pas, une fois encore, une arme politique pour faire taire les voix gênantes. Un adage local ne dit-il pas : “Quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage” ? Reste à savoir si ici, la rage était réelle… ou fabriquée.

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