Paris, 1er juin 2025. La tour Eiffel a tremblé, les salons feutrés du 7e arrondissement ont bruissé, et la diaspora gabonaise a sorti ses tenues les plus protocolaires : Me Anges Kevin Nzigou procédait à l’installation du bureau Île-de-France du Front Démocratique Socialiste (FDS), sa toute nouvelle trouvaille politique. Une naissance en grande pompe pour un mouvement censé ne pas être... une rupture. Étonnant, non ?
Car si l’on gratte un peu derrière le vernis protocolaire et les communiqués bien léchés, une question s’impose, presque insolente : pourquoi créer un autre mouvement politique quand on a soi-même dirigé le précédent comme un général en campagne ?
Du Rassemblement des Bâtisseurs au FDS : une déconstruction maîtrisée ?
Rappelons pour les amnésiques volontaires que Me Nzigou fut le Coordinateur général du Mouvement des Bâtisseurs, un laboratoire politique aux contours brumeux, à mi-chemin entre le think-tank citoyen et le club de soutien à la transition. Une structure qu’il tenta de transformer en parti politique. Sans succès. Ou du moins, sans suite. Alors, changement de stratégie ou aveu d’échec maquillé en réinvention ?
Dans un entretien accordé à Gabon Media Time, l’intéressé précise que le FDS a été créé dès mars 2025 mais mis en veille le temps de la campagne. Traduction libre : "je l’ai fondé dans le silence, mais je l’annonce dans le vacarme." Habile.
Mais que penser de cette nouvelle casquette, quand l’ancienne celle de bâtisseur en chef n’a jamais été officiellement raccrochée ? Pourquoi abandonner le chantier au moment où les fondations semblaient prêtes à accueillir un édifice électoral ? Changer de nom, c’est facile. Changer de nature, c’est autre chose.
Le FDS, un air de déjà-vu ?
Officiellement, le FDS se veut force de veille, d’alerte et de soutien critique à l’actuel pouvoir. Une sorte de sentinelle républicaine, à mi-chemin entre l’éclaireur idéaliste et le gardien du temple. Mais dans la réalité politique gabonaise, les étiquettes de “force de veille” servent souvent de camouflage à des ambitions moins consensuelles. Surtout lorsqu’on installe un bureau à Paris, capitale du symbole et… des stratégies d’évitement.
Au fond, le FDS est-il une simple version 2.0 des Bâtisseurs ? Un recyclage stratégique pour prendre date, capter une diaspora en manque de représentativité, et éviter le procès en déloyauté envers le Président de la Transition ? Ou pire, une sorte de “holding politique” où l’on diversifie les structures comme d'autres diversifient leurs portefeuilles ?
Loyauté ou assurance-vie ?
Il faut le reconnaître : Me Anges Kevin Nzigou reste un acteur politique intelligent, cultivé, au discours clair et au ton souvent chirurgical. Mais même les esprits brillants sont parfois rattrapés par une réalité crue : la politique gabonaise ne manque pas d’idées, elle manque de constance.
Le soutien affiché au Président Oligui Nguema est sans ambiguïté. “Tant que son action sert le peuple, je suis avec lui”, déclare-t-il. Parfait. Mais faut-il un nouveau mouvement pour le rappeler ? N’aurait-il pas suffi de renforcer les Bâtisseurs, ou de fusionner les deux ? À moins que le FDS ne soit, en réalité, l’assurance-vie politique d’un homme prudent, qui sait que les transitions sont volatiles et que les passerelles idéologiques doivent être prêtes en toutes circonstances.
En attendant les législatives...
Avec des élections locales et législatives prévues en septembre et octobre, le FDS ne fait pas seulement du "veilleur de démocratie". Il se positionne, il balise, il prépare. Et c’est bien normal. Après tout, en politique, la clarté n’est pas une vertu, c’est une stratégie.
Reste à savoir si le peuple gabonais, fatigué des slogans creux et des formations politiques aux sigles interchangeables, accordera du crédit à cette énième mue politique. Bâtisseur un jour, social-démocrate toujours ? À défaut de cohérence structurelle, le verbe reste ciselé. C’est déjà ça. Mais au final, le Gabon n’a pas tant besoin d’un nouveau mouvement politique que d’un nouveau mouvement d’idées. Et c’est peut-être là que l’on attend encore Me Anges Kevin Nzigou.
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