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Politique

Ali Bongo entendu par deux juges à Paris : De la case de chef à la cellule de victime

IMG Ali Bongo, président déchu.

Ali Bongo Ondimba, ancien président du Gabon et rescapé d’un demi-siècle de règne dynastique, a été entendu ce mardi 1er juillet 2025 par deux juges d’instruction françaises. Mais cette fois, pas comme chef d’État. Ni comme chef de file d’un clan politique. Non. Comme victime. Oui, vous avez bien lu. Victime. De séquestration, de tortures, d’enlèvement en bande organisée, selon la plainte déposée en mai par ses avocats, désormais bien rodés aux arcanes du droit international des droits de l’Homme.

 

Assigné à résidence après le coup d’État du 30 août 2023, Ali Bongo clame désormais haut et fort qu’il a été "retenu contre son gré" dans sa villa de La Sablière. Ses proches parlent de "prison dorée", mais insistent surtout sur l’absence de liberté. Certains Gabonais, eux, s’étonnent : cette liberté dont se plaint aujourd’hui l’ex-président n’est-elle pas celle qu’il avait si souvent confisquée à ses concitoyens pendant son règne ?

 

Dans le même souffle, ses avocats dénoncent des "actes de barbarie" subis par son épouse Sylvia et son fils Noureddin : électrocution, simulation de noyade, étranglement, et dix-huit mois dans un sous-sol à Libreville. On croirait lire un rapport d’Amnesty International, mais rédigé par Me François Zimeray, devenu soudain l’ange gardien des Bongo.

 

Justice à géométrie coloniale ?

 

L’affaire est désormais entre les mains du prestigieux pôle Crimes contre l’humanité du tribunal judiciaire de Paris. Là où se jugent les dictateurs syriens, les tortionnaires rwandais ou les bourreaux tchadiens. Et voici que le Gabon, ce petit État pétrolier d’Afrique centrale, exporte-lui aussi ses démons à la Cour. Ironie du sort : c’est à Paris, ville où la famille Bongo a investi des fortunes en biens immobiliers dans l’affaire des "biens mal acquis", que se joue aujourd’hui sa tentative de réhabilitation morale. Le bourreau d’hier, reconverti en justiciable aujourd’hui. Une manœuvre politique bien huilée qui tente d’habiller une revanche judiciaire sous le vernis des Droits de l’Homme.

 

Oligui, silence radio sur ondes brouillées

Le général Oligui Nguema, l’homme qui a renversé Bongo en 2023, promettait un "procès équitable" pour Sylvia et Noureddin. Mais depuis leur remise en liberté provisoire et leur départ pour l’Angola, c’est silence radio du côté du Palais Rénovation. Une absence de communication qui laisse le champ libre aux avocats parisiens pour tisser un récit : celui d’une ancienne famille présidentielle torturée par le régime militaire, persécutée pour ce qu’elle est, et non pour ce qu’elle a fait. On parle déjà de mandats d’arrêt internationaux, de demandes d’auditions, de diplomatie judiciaire. Mais de procès à Libreville pour détournements de fonds publics ? On n’en voit toujours pas la couleur.

 

Le syndrome de l’exécutif amnésique

La Transition gabonaise, qui avait fait du procès des Bongo un totem de la restauration morale, semble prise à son propre piège. En promettant une justice rigoureuse, elle a ouvert la porte à un débat plus large : celui de la légitimité des méthodes employées après le putsch. Et la France, toujours prompte à faire la leçon sur les droits humains… lorsqu’elle ne les viole pas elle-même, se retrouve dans une posture embarrassante : protéger les droits de ceux qui les ont niés.

 

Quand l’arroseur réclame le statut d’arrosé

On pourrait rire si ce n’était pas aussi tragique : Ali Bongo, muet sur les violences policières lors des élections de 2016, silencieux sur la torture documentée de certains opposants, ose aujourd’hui invoquer le droit international comme une relique sacrée. Une instrumentalisation politique de la justice française, ou un juste retour de balancier dans un monde où les équilibres se renversent vite ?

 

La vraie victime ici, c’est peut-être la mémoire collective du peuple gabonais. Ce peuple à qui on n’a jamais offert d’audience, ni à Paris, ni à Libreville. La dynastie Bongo aura tout fait : construire un État clanique, enrichir une caste, appauvrir un peuple… et aujourd’hui, redorer son blason sous les dorures du Palais de Justice parisien. La Transition, quant à elle, n’a plus le droit de l’erreur : elle doit démontrer que le Gabon post-Bongo ne se contente pas de changer de visage, mais aussi de méthode.

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