Le couple Maganga Moussavou illustre à lui seul la comédie tragique de la politique gabonaise. D’un côté, Pierre-Claver Maganga Moussavou, ancien vice-président, président du PSD et vétéran des allées du pouvoir, sèchement recalé à Mouila avec à peine 759 voix (15,05 %). De l’autre, son épouse Albertine Malandou Bouka, qui pulvérise la concurrence avec 884 voix (59,17 %) et entre triomphalement à l’Assemblée nationale.
Le tableau est cruel : Monsieur, figure historique, sort par la petite porte, pendant que Madame s’installe par la grande. Un véritable symbole : l’ancien monde décline, et le futur s’habille désormais de tailleurs colorés.
Ce renversement n’est pas anecdotique. Il dit beaucoup de la lassitude des électeurs vis-à-vis de ces barons éternels qui, depuis l’ère Omar Bongo jusqu’à celle de son fils Ali, s’accrochent au pouvoir comme des lianes à un fromager pourri. Les Ndemezo’o Obiang, Ondo Methogo, Assélé et Maganga Moussavou devraient l’entendre : la jeunesse ne croit plus aux vieux récits, et les populations aspirent à d’autres visages, d’autres voix, d’autres pratiques. Mais la retraite, chez nos politiciens, est un mot grossier : on préfère mourir député, sénateur ou président de parti que de se retirer dignement.
Le cas Maganga Moussavou est donc édifiant. Lui, le patriarche qui se croyait encore incontournable, a découvert qu’à force de courir derrière tous les régimes, on finit par se brûler les ailes. Elle, l’épouse longtemps dans l’ombre, vient rappeler qu’en politique, la légitimité ne s’hérite pas : elle se conquiert. Et la conquête d’Albertine a été nette, franche, implacable.
La question est désormais politique et stratégique : le PSD doit-il continuer de traîner la carcasse fatiguée de son président historique ou miser sur l’énergie et la crédibilité de sa nouvelle élue ? À vrai dire, Pierre-Claver aurait tout à gagner à passer officiellement le flambeau à son épouse. Mais là encore, se pose la maladie chronique des élites gabonaises : l’obsession de rester, coûte que coûte.
Ce que dit cette élection, c’est que le peuple ne croit plus aux messies démodés, mais regarde ailleurs. Et parfois, ce “ailleurs” commence dans le même foyer. Ironie de l’histoire : le PSD vient de trouver un second souffle, mais il n’est plus incarné par son fondateur, plutôt par sa compagne. Désormais, ce parti ne survivra pas grâce à ses vieux discours, mais grâce à ce que symbolise Albertine : la fin des barons, le début d’un cycle où même les dynasties politiques doivent se réinventer.
Car au fond, le verdict du 27 septembre est clair : l’heure n’est plus aux patriarches fatigués, mais aux figures capables de convaincre et de rassembler. À Mouila, on ne veut plus de contes anciens. À la Douya-Onoyé, on a choisi le renouveau. Et si Pierre-Claver a perdu, c’est peut-être parce qu’en politique, comme dans la vie, quand on n’écoute pas le temps, le temps finit toujours par vous parler.
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