Il fallait bien que ça arrive. Après des mois d’assignation à résidence, des gros titres accusateurs et des débats enflammés sur la gestion du contrat Averda, l’ancien ministre de l’Intérieur, Lambert-Noël Matha, sort enfin blanchi par le Tribunal de première instance de Libreville. Le mot magique est tombé : non-lieu. Un terme qui, au Gabon, résonne moins comme une décision de justice que comme une formule d’abracadabra pour effacer les casseroles des dignitaires d’hier.
Car enfin, rappelons-le : Matha était poursuivi pour détournement de fonds publics, concussion, corruption passive et blanchiment. Des accusations lourdes, liées à ce fameux contrat signé en 2015 avec Averda, société libanaise censée débarrasser Libreville de ses montagnes d’ordures. Quatre ans plus tard, la capitale était toujours aussi sale, mais le budget, lui, avait été copieusement nettoyé.
La machine judiciaire en mode pressing
Le procès n’aura donc pas eu lieu. À défaut de preuves « suffisantes », la justice a sorti sa carte de fidélité habituelle : blanchiment express des élites. Dans le jargon local, on appelle cela « tourner la page ». Dans la réalité, cela ressemble plutôt à déchirer le chapitre. Les citoyens, eux, se demandent : comment un directeur général (Alain Xavier Madoungou) peut-il être inculpé pour corruption active… sans qu’aucun supérieur hiérarchique ne soit tenu pour responsable ? Miracle judiciaire ou tour de passe-passe administratif ?
Quand la poubelle déborde, on ferme le couvercle
L’affaire Averda restera donc une odeur persistante dans le paysage politico-judiciaire gabonais. Un contrat ruineux, une rupture coûteuse, une procédure internationale où le Gabon risque encore de perdre gros, et au final… personne ne paie. Les ordures, elles, continuent d’envahir les quartiers de Libreville, mais qu’importe : le dossier est clos.
Le non-lieu comme philosophie nationale
Au-delà de Matha, ce verdict illustre une constante gabonaise : la justice sait être implacable avec les petits délinquants, mais se montre d’une douceur confondante avec les hommes d’État. Dans un pays où chaque scandale finit au cimetière des non-lieux, il fallait s’y attendre. La transition politique avait promis de « rompre avec les pratiques du passé ». À voir ce dossier, il semble que la rupture ne concerne que la couleur des uniformes, pas la manière de traiter les dignitaires.
En clair, Lambert-Noël Matha recouvre sa liberté totale, mais le Gabon, lui, reste prisonnier d’un système où la justice sert de balai politique. Et dans cette grande maison, il est décidément plus facile de blanchir les ministres que de ramasser les ordures.
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