C’était pourtant une promesse d’homme en treillis. Solennelle, martiale, presque sacrée : « Je ne suis pas un homme politique ». Ce serment de Brice Clotaire Oligui Nguema, répété avec l’autorité du sabre et le ton de la rupture, sonnait comme un engagement à se tenir au-dessus de la mêlée. Mais à force de sollicitations, de pressions, et peut-être d’ambitions, le général a cédé : le sabre a été rangé, la veste de combat remplacée par la veste de conférence politique. Le 28 juin 2025, le président lancera officiellement sa formation politique. Ainsi naquit le parti du général-président.
Une conversion qui n’étonne plus personne, tant la tradition gabonaise veut que l’État ne puisse exister sans sa propre écurie politique. De Léon Mba à Omar, d’Ali à aujourd’hui, le pouvoir sans parti au Gabon, c’est comme une élection sans bulletin unique : une anomalie.
Sous pression, mais volontaire
Le discours officiel parle d’un « élan populaire », d’un « appel des forces vives », d’une « volonté d’incarner la vision du Gabon nouveau ». Mais en coulisses, les conseillers politiques, les vétérans du PDG en reconversion, les courtisans sans étiquette et les militants sans maison ont fini par convaincre le chef : il faut un parti pour durer, pour contrôler, pour canaliser. Résultat ? L’homme du Comité de Transition pour la Restauration des Institutions (CTRI) abandonne la neutralité martiale pour les batailles d'appareils.
Ce basculement marque un tournant majeur. Oligui, qui incarnait la rigueur militaire, la discipline de caserne, la verticalité du commandement, entre désormais dans le monde complexe et souvent plus fourbe de la politique civile. Là où la loyauté se mesure en sièges, où les convictions s’accordent aux majorités, et où les déclarations d’intention valent rarement plus que la dernière conférence de presse.
À y regarder de plus près, cette mutation n’est pas si inédite. Elle est même presque rituelle au Gabon : tout président finit par se doter de son parti. Le tout, bien sûr, au nom du peuple, de la démocratie, de l’unité nationale mais surtout pour préparer les prochaines échéances électorales en verrouillant le jeu. L’histoire se répète, et seuls les slogans changent.
Ce nouveau parti sera-t-il différent ? Inclusif ? Démocratique ? Peut-être. Mais il portera surtout la marque de son fondateur : un homme de pouvoir, de stratégie, et désormais… de politique. Le militaire s’efface, le politicien s’installe. Et le peuple observe, entre espoir et lassitude.
Vers un parti d’État 2.0 ?
L’assemblée générale fondatrice prévue au Palais des sports promet un grand-messe nationaliste. Mais une question demeure : s’agit-il d’un mouvement pour accompagner une vision ou d’un instrument pour consolider un pouvoir ? Le risque est grand de voir ressurgir les vieux réflexes : parti unique déguisé, clientélisme masqué, et neutralisation douce des opposants.
Finalement, Oligui Nguema n’a pas seulement cédé à la pression : il a fait un choix. Celui d’abandonner l’exception pour revenir à la norme gabonaise. Ce jour-là, le militaire s’effacera officiellement. Et le civil, politicien comme les autres, naîtra sous les applaudissements. Et dire qu’il avait juré ne pas vouloir tomber dans la politique…
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