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Société

1er Mai 2025 : le mur des lamentations

IMG Les représentants des travailleurs aux côtés du président de la République.

Chaque année, on y a droit. Comme un vieux sketch mal rejoué. Le 1er mai arrive et le pouvoir s’empresse d’enfiler son masque social, de dérouler le tapis rouge aux syndicats domestiqués, et de servir aux travailleurs gabonais une énième potion de promesses tièdes et de musique forte. En 2025, rien n’a changé. Pire, tout empire en silence.

 

Sur le boulevard Georges Rawiri, on a sorti les trompettes, les kitékiés, les discours écrits d’avance et les drapeaux tricolores, pendant que la pluie, ironie climatique, venait rappeler à chacun que même le ciel est fatigué de ces mascarades.

 

Le travailleur gabonais : une espèce en voie de disparition encadrée

À Libreville comme à Franceville, la situation des travailleurs relève de l’archéologie sociale : contrats précaires, CDD à répétition, stagiaires à vie, intérimaires jetables. Les plus chanceux ont un matricule ; les autres ont un badge, une chaise bancale et un avenir flou. On les appelle les "agents temporaires" un euphémisme poétique pour désigner ceux qui servent l’État depuis 7 à 10 ans… sans statut, ni droits, ni respect. Pendant ce temps, les directions générales se succèdent comme les saisons, chaque nouveau DG promettant l'intégration "dans les mois à venir". Dix ans plus tard, seul leur badge a changé de couleur.

 

Fonction publique : intégration fantôme, reclassement illusion

Les agents publics, eux, vivent dans un purgatoire administratif. Leur vie professionnelle dépend d’un dossier dormant dans une armoire rouillée, quelque part au ministère de la Fonction publique, coincé entre deux décrets jamais signés. Certains attendent leur titularisation depuis le second mandat d’Ali Bongo. D’autres, déjà retraités, attendent encore leur avancement. Le service public gabonais est une jungle kafkaïenne où l’on meurt avant d’être classé.

 

Licencié sans motif, embauché par piston

Dans le secteur privé, la précarité est reine. Un salarié peut être viré par SMS, remplacé dès le lendemain par le neveu d’un directeur. Les syndicats, quand ils ne sont pas achetés, sont muselés. Et l’Inspection du Travail ? Invisible. Inefficace. Inutile. La loi existe, certes, mais elle ne protège que ceux qui la contournent le mieux.

 

Jeunes diplômés : trop instruits pour être utiles

Les jeunes diplômés, eux, errent dans un no man’s land professionnel. Formés dans des grandes écoles parfois reconnues, ils reviennent au pays pour découvrir que leur seul espoir d’insertion réside dans une connaissance au cabinet d’un ministre, ou dans l’art de rédiger des posts flatteurs sur les réseaux sociaux. Résultat : le master en économie vend des œufs, l’ingénieur agronome livre des pizzas et le juriste rêve de devenir influenceur. Le talent national est sacrifié, méthodiquement, sur l’autel du clientélisme.

 

Le dialogue social : la grande illusion

Ce 1er mai, les centrales syndicales ont remis au Président élu un "manifeste". Le même qu’en 2023, en 2018, en 2010… Il réclame une augmentation du SMIC à 300 000 francs CFA, le paiement des dettes sociales, un dialogue tripartite, et comble du rêve la gabonisation des emplois. Mais le dialogue social au Gabon, c’est comme une réunion de famille où l’on écoute pour ne surtout rien entendre.

 

Pendant que le peuple crie, le pouvoir défile

Le pouvoir célèbre le travail. Mais ne protège pas les travailleurs. Il loue le mérite, mais ne récompense que la loyauté politique. Il parle de changement, mais recycle les mêmes méthodes avec de nouveaux costumes.

 

Ce 1er mai 2025 est donc une fête. Oui, une fête. Mais celle de l’hypocrisie institutionnalisée. Une farce nationale dont les seuls vrais spectateurs sont des citoyens lassés de jouer les figurants dans un film qui ne les sauvera jamais.

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