Le 9 décembre dernier, Jean Valentin Leyama a annoncé sa démission du bureau exécutif du parti Réagir par un courrier adressé à Félix Bongo, le vice-président actif du mouvement. Devenu l'homme à abattre pour certains et une figure de transition pour d'autres, Leyama se retire désormais de son poste de secrétaire exécutif pour redevenir « simple militant ». Un changement de statut qui mérite bien plus qu'un simple communiqué.
Loin de l'effet de surprise, la démission de Jean Valentin Leyama s'inscrit dans une logique qui semble avoir mûri depuis des mois, voire des années. « Dans ma carrière, chaque fois que j’ai accompli ma mission, je pars », confie-t-il. On pourrait presque y voir un principe de vie, un peu comme un sportif de haut niveau qui annonce sa retraite dès qu'il atteint son pic de forme. Après tout, pourquoi s'attarder dans un bureau exécutif lorsque l’on a « préparé une relève » ?
Cependant, ce qui est fascinant dans cette démission, c'est moins le geste lui-même que les motivations qui l'accompagnent. En effet, depuis plus d'un an, Leyama appelle à la mise en place d'une nouvelle gouvernance et à l'émergence de talents jeunes et dynamiques au sein de son propre parti. « J’ai préparé une relève d’hommes et de femmes crédibles », affirme-t-il sans sourciller. L'on pourrait presque croire qu'il s'est vu en mentor éclairé, guide spirituel des futures stars politiques du Gabon, mais sa démission, dans ce cas, sonne comme la fin d’un processus qu’il juge désormais achevé.
La malédiction de l'irresponsabilité
Si l'on en croit le ton de son courrier, le départ de Jean Valentin Leyama ne semble pas être un acte impulsif. C'est bien un processus de longue haleine qu'il décrit, retardé uniquement par des événements internes au parti. Entre ces lignes, se cache une question qui semble tarauder le Parti Réagir : l'organisation est-elle incapable de maintenir une direction stable ? Leyama lui-même semble suggérer qu'il n'y a plus de place pour lui dans un système qu'il juge désormais obsolète ou en déclin.
Et alors qu’il semble tout juste satisfait de « sa mission accomplie », il reste en quête d'un rôle qu'on imagine plus effacé, « acteur politique sans responsabilités ». Pour être plus clair, il se veut un observateur privilégié du jeu politique, mais sans la lourde charge de gérer les embrouilles internes et les compromis nécessaires à la direction d'un parti. C'est l'ironie du sort : après avoir été l'architecte d’une gouvernance nouvelle, il préfère se défaire des murs du pouvoir et se retirer dans l'ombre des idéaux qu’il a eux-mêmes forgés. Que faire de ce vide politique qu’il laisse derrière lui ?
Le timing : un départ opportun ?
Jean Valentin Leyama suit les pas de Guy-Roger Aurat Reteno, le président intérimaire, qui a également quitté le navire après le référendum de novembre dernier. Ce double départ crée une situation de vide qui, à première vue, ressemble à une déstabilisation pure et simple du parti. Mais après tout, est-ce vraiment une surprise ? Au fond, peut-être que la question n'est pas tant de savoir pourquoi ces figures clés partent, mais bien pourquoi elles n'étaient jamais totalement investies dans ce rôle en premier lieu.
Le timing est d’autant plus ironique quand on pense que le parti, Réagir, semble naviguer en eaux troubles depuis un certain temps déjà. Les dissensions internes, les rivalités et les défections témoignent d’un climat qui, loin d’être propice à l’épanouissement politique, ressemble plus à une scène de théâtre où chaque acteur quitte les coulisses sans crier gare. Mais peut-être est-ce là le but recherché par Leyama : disparaître au moment où l’on attend le plus de clarté, comme une figure politique qui se volatilise juste avant que l’inévitable tempête n’éclate.
Un départ, oui, mais à quel prix ?
Alors, faut-il considérer ce départ comme une victoire personnelle pour Jean Valentin Leyama ou comme un échec retentissant pour Réagir ? Le parti, avec ses ambitions de reconstruire le Gabon à travers une nouvelle gouvernance, perd ici l'un de ses architectes, mais il ne semble pas s’effondrer sous le poids de l’absence d’un homme seul.
Dans ce jeu politique où les acteurs se succèdent et se remplacent sans grand fracas, il n'est peut-être pas surprenant que la démission d'un secrétaire exécutif apparaisse aussi prévisible qu'un lever de soleil. Jean Valentin Leyama, comme tant d’autres avant lui, semble avoir jugé qu’il n’y avait plus rien à faire, ni à prouver. Le problème n’est pas tant qu’il parte, mais que d’autres, encore invisibles dans l’ombre, semblent déjà prêts à en faire de même. Réagir, ou plutôt réagir à la démission de ses figures de proue, n'aura peut-être pas lieu après tout, pourquoi réagir lorsqu’on peut laisser faire le temps ?
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