Dans un pays où la Constitution change plus souvent que les ampoules du palais présidentiel, une question brûle désormais toutes les lèvres : à quel moment la justice est-elle du bon côté de l’Histoire ?
L’ancien ministre et désormais Secrétaire général du PDG « loyaliste et légaliste » un courant dont le nom ferait rougir un notaire suisse Ali Akbar Onanga Y’Obegue, a lancé un pavé dans la mare institutionnelle. Dans une tribune tonitruante, il dénonce une « grave crise juridique » à la suite de la prestation de serment du Général Président élu, Brice Clotaire Oligui Nguéma. Une cérémonie solennelle ? Oui. Une conformité constitutionnelle ? Pas tout à fait, selon notre homme.
Et pour cause : le Président aurait prêté serment devant une Cour constitutionnelle issue de la Transition cette parenthèse politico-mystique dont on ne sait jamais si elle est close ou éternellement ouverte. Or, cette Cour, nous dit Onanga, « n’a ni la compétence ni la légitimité » pour recevoir le serment du nouveau président élu sous la Constitution de 2024. Bref : on a marié le Général à la République avec un juge de paix périmé. Mais alors, qui est compétent ? Le Conseil des anciens ? Le collège invisible des sages du CTRI ? Une juridiction venue du futur ?
Onanga pousse le trait : il parle d’un « chaos juridique », d’un « imbroglio constitutionnel presque insoluble ». Et il n’a pas tort. Le Gabon semble vivre une collision temporelle des légitimités : une nouvelle Constitution est en vigueur, mais les vieilles institutions sont toujours aux manettes. C’est un peu comme installer Windows 11 sur une machine de 1998 : ça rame, ça bug, et personne ne comprend vraiment comment ça marche.
Mais revenons à notre question : quand la justice est-elle du bon côté ?
Quand elle valide le coup d’État en 2023 ? Quand elle encadre la transition ? Quand elle reçoit un serment sous une Constitution qu’elle n’a pas encore lue ? On ne sait plus. La justice gabonaise semble avoir troqué son code pour une boussole qui tourne en rond. Elle se trouve, selon les jours, du côté du pouvoir, du côté de l’Histoire, ou du côté de l’absurde.
Et si, derrière cette cacophonie, se cachait une stratégie bien huilée ? « En renversant l’ordre logique des institutions », accuse Onanga, le CTRI aurait soigneusement orchestré une zone grise, un entre-deux légal, un marécage normatif où il est permis de naviguer à vue… mais seulement pour ceux qui tiennent la barre.
Les Gabonais, eux, regardent ce théâtre institutionnel avec une lassitude teintée d’ironie. Après tout, cela fait des décennies qu’ils assistent à ce spectacle où la Constitution est tour à tour sacralisée, modifiée, suspendue, puis ressuscitée – toujours au bon moment, toujours pour les mêmes.
En conclusion, si la justice est censée dire le droit, au Gabon, elle semble surtout dire ce que le pouvoir veut entendre. La question n’est plus qui a raison, mais qui peut encore faire semblant de l’avoir.
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