La mairie de Libreville serait-elle devenue une fabrique artisanale de privilèges antidatés ? C’est la question que se posent de nombreux agents municipaux, après la découverte de plusieurs actes de recrutement et d’avancement signés en douce par l’ancien délégué spécial Jude Ibrahim Rapontchombo. Une dizaine d’actes auraient été paraphés à la hâte, dans un silence administratif assourdissant, comme si le départ de l’édile sortant devait s’accompagner d’un petit parachutage de faveur.
Selon plusieurs sources internes, ce ne sont pas moins de six (6) recrutements, quatre (4) avancements au choix et deux (2) avancements automatiques qui auraient été signés... après la bataille, mais antidatés pour faire illusion. Et pendant ce temps, des centaines d’agents attendent toujours leur régularisation, leur grille salariale mise à jour, ou simplement... leur salaire.
Le plus inquiétant, ce n’est pas tant l’acte aussi grotesque soit-il que la banalité avec laquelle il semble avoir été commis. Comme si l’administration municipale n’était qu’un comptoir de clientélisme, où l’on distribue des postes en fin de mandat comme on distribue les restes d’un banquet. La mairie, censée être au service de la population, se transforme alors en zone d’arrangement, où le copinage tient lieu de politique de ressources humaines.
Ce scandale ne serait pas isolé. Il s’inscrit dans une tradition bien huilée de « promotions de fin de règne », où les derniers jours d’un mandat sont utilisés non pas pour boucler des dossiers urgents, mais pour caser des proches, offrir des avancements express et verrouiller des postes. Le tout, bien sûr, en prenant soin de maquiller les dates.
Plus grave encore : ces actes auraient été refusés par le Secrétariat Général de la mairie, qui y aurait vu une manœuvre irrégulière, voire illégale. Il faut dire que les nouvelles autorités, à commencer par Adrien Nguema Mba, nouveau délégué spécial, n’entendent pas jouer la partition du laxisme. Réputé rigoureux, l’homme aurait déjà entamé un audit interne et pourrait annuler ces arrêtés sans autre forme de procès.
Mais au-delà de l’anecdote, ce dossier illustre la dérive d’un système. Une fonction publique devenue otage de logiques clientélistes. Des institutions vidées de leur sens, où la compétence est reléguée au second plan, derrière l’obéissance et les connexions. Un mode de gestion toxique qui gangrène la confiance des citoyens et jette l’opprobre sur l’ensemble de la chaîne administrative.
Et pourtant, sur le terrain, les vrais problèmes s’accumulent : agents municipaux sans avancement depuis des années, salaires impayés, statut particulier toujours en attente. Le quotidien de milliers d’agents est fait de frustrations, pendant que quelques-uns bénéficieraient de promotions express, dans l’opacité la plus totale.
À quand la fin de ces pratiques féodales dans nos mairies ? À quand une fonction publique où le mérite primera sur la proximité politique ? Peut-être le jour où ceux qui trichent seront sanctionnés. Et pas seulement déplacés. En attendant, le malaise s’installe. Et la colère gronde. Car les agents municipaux, eux, ne sont pas dupes. Et les citoyens non plus.
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