IMG-LOGO
Accueil Article Campagne contre l’insalubrité : une opération coup-de-com’ ou un coup d’épée dans l’eau ?
Société

Campagne contre l’insalubrité : une opération coup-de-com’ ou un coup d’épée dans l’eau ?

IMG La mairie parviendra-t-elle à avoir raison de l'insalubrité dans la ville?

La mairie de Libreville a sorti les crocs. Ou plutôt, elle a sorti un communiqué. Un texte martial, ponctué de menaces dignes d’un western administratif, signé Adrien Nguema Mba, Délégué Spécial chargé de la gestion de la Commune. Objectif affiché : restaurer la salubrité, l’ordre et la sécurité dans la capitale. Cible désignée : les marchés anarchiques, les garages sauvages, les épaves de véhicules, les constructions illégales. Délai accordé aux contrevenants : 15 jours. Promesse faite : après cela, la force publique sera mobilisée pour un grand ménage.

 

Mais sur le terrain, les sacs d’ordures rigolent. Les rats dansent, les garages prospèrent, les marchés informels vendent des tomates au milieu des égouts, et les carcasses de voitures rouillent en paix. Bref, Libreville ne tremble pas. Même les moustiques en rient sous cape.

 

Ce n’est pas la première fois que la municipalité tente de jouer les gros bras. Et à chaque fois, l’histoire semble bégayer. Communiqué virulent, délai de grâce, quelques descentes sous les caméras… puis plus rien. Les déchets reviennent, les épaves aussi, et les occupations illégales reprennent leur droit, comme si de rien n’était. À tel point que certains citoyens parlent aujourd’hui d’un rituel de purification symbolique, organisé périodiquement pour donner l’illusion du changement.

 

Il faut dire que l’image de la mairie ressemble de plus en plus à celle d’un chien qui aboie, mais ne mord jamais. Les propriétaires de garages installés depuis dix ans sur des trottoirs publics connaissent la chanson. Ils savent que, passé le coup de pression médiatique, l’orage passera sans qu’aucune goutte ne les atteigne.

 

L’administration contre l’anarchie… ou avec ?

Derrière les envolées verbales du Délégué Spécial, c’est toute la crédibilité de l’autorité municipale qui est en jeu. Car au-delà des discours, ce sont les actes qui manquent cruellement. Pire encore : dans certains quartiers, ce sont des agents municipaux eux-mêmes qui louent des emplacements « illégaux » à des vendeurs à la sauvette. Dès lors, comment croire à une croisade contre un désordre dont certains dans l’administration tirent profit ?

 

Cette tolérance ambigüe a contribué à faire de Libreville une capitale au charme cabossé, où la normalité cohabite sans gêne avec l’absurde : garages dans les ronds-points, poissons fumés à côté des égouts, cantines montées sur des fosses septiques, véhicules calcinés servant de repères à des chiens errants…

 

Une ville otage de ses propres contradictions

« Ensemble, faisons de Libreville une ville salubre et attrayante », déclare avec enthousiasme la mairie. Mais ensemble avec qui ? Avec ces citoyens qui vivent du désordre toléré ? Avec ces acteurs économiques qui se sont organisés autour de l’informel ? Avec ces services municipaux parfois complices de l’anarchie qu’ils dénoncent ?

 

Il faudra plus qu’un communiqué pour changer le visage de la capitale. Il faudra une volonté politique constante, une mise en œuvre rigoureuse, et surtout, la fin du clientélisme rampant qui freine toute velléité de réforme.

 

En attendant, la ville continue de suffoquer sous les ordures, les garages clandestins ronronnent tranquillement, les marchés sauvages prospèrent, et les rats toujours eux n’ont jamais été aussi sereins. À Libreville, le vrai pouvoir n’est pas toujours celui qu’on croit.

Partagez:

Postez un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée. Les champs marqués * sont obligatoires