Alexandre Barro Chambrier et les membres du gouvernement.
Au Gabon, la gouvernance ressemble désormais à une pièce de théâtre absurde où les acteurs montent sur scène... sans savoir s’ils ont encore leur rôle. Le 9 décembre, Alain-Claude Bilie-By-Nze, ancien Premier ministre et désormais franc-tireur politique, a jeté un pavé dans la mare : le pays serait dirigé par des ministres qui n’existent pas, selon une Constitution qui se contredit, au milieu de cabinets qui démissionnent mais refusent de partir. Bienvenue dans la République d’Intérim-sur-Mer. Des démissions qui n’en sont pas, le théâtre des apparences. Les ministres démissionnent « officiellement » pour respecter l’article 73. Sauf que, dans la vraie vie, ils continuent de se déplacer avec chauffeurs, voitures, privilèges, secrétaires bref tout ce qui fait le confort ministériel.
Démissionner… sans vraiment démissionner.
C’est l’art national, la démission placebo. Et quand le Conseil des ministres du 4 décembre évoque la “résistance” des cabinets démissionnaires, on croit rêver. Résistance à quoi ? À la perte du confort ? À la fin du pouvoir ? Ou à l’idée saugrenue de respecter la Constitution ? On aurait presque envie d’applaudir. Du grand théâtre. Sauf que tout cela se joue avec l’argent public.
Les “ministres par intérim”, une invention magique pour colmater une Constitution faite à la va-vite. Comme les vrais ministres se transforment soudain en fantômes administratifs, il faut les remplacer. Alors le gouvernement sort une trouvaille, le ministre par intérim. Petit problème. La Constitution ne connaît pas cette créature. Elle n’en parle nulle part, pas même en note de bas de page.
C’est un peu comme si l’on nommait “ministre chimère”, “ministre ninja” ou “ministre imaginaire”. Même valeur constitutionnelle. Bilie-By-Nze le dit sans détour. « Ministre par intérim, ça n’existe pas. » Et il a raison. Le texte fondamental de 2024 est un chef-d'œuvre de contorsion juridique. L’article 70 dit qu’on peut nommer un ministre parlementaire. L’article 73 dit que c’est incompatible. À ce stade, ce n’est plus une Constitution. C’est une devinette. Ou un piège. Ou un gag. Au choix.
Une administration pilotée… sans pilote. Pendant que les ministres jouent à cache-cache constitutionnel, l’administration, elle, rame. Les intérimaires ne peuvent signer que les “affaires courantes”. Traduction. Les dossiers urgents dorment, les décisions importantes attendent, et les projets stagnent.
Un pays peut-il avancer avec des ministres fantômes ?
Non. Peut-il fonctionner normalement avec des cabinets qui refusent d’éteindre la lumière ? Encore moins. Ce n’est plus de la gouvernance. C’est de la maintenance institutionnelle. Est-il normal pour un pays sérieux de fonctionner ainsi ? Non. Absolument pas.
À moins que l’objectif assumé soit de transformer la République en bureau administratif provisoire, version “service minimum pour tout le monde”. Parce qu’à ce rythme, les ministres ne sont plus ministres. Les intérimaires ne sont pas reconnus, les cabinets démissionnaires font la loi.
Les directions tournent à vide. La Constitution sert de puzzle mal assemblé, tout cela dans un pays qui prétend « écouter les préoccupations du peuple ». On se demande ce que le peuple entend… parce que le message ressemble surtout à un grincement institutionnel.
À quand la fin de l’intérim national ? Quand le pouvoir assumera qu’un pays ne se gère, pas comme un chantier abandonné. Quand la Constitution sera appliquée, pas bricolée. Quand les ministres cesseront de jouer aux ombres chinoises. Quand les démissions seront réelles, pas folkloriques. Quand l’État décidera de gouverner… et pas de simuler. Pour l’instant, l’intérim règne, prospère, s’installe. Il est partout, aux ministères, dans les directions, dans la gouvernance, dans l’esprit même des institutions. À ce rythme, l’intérim pourrait bientôt réclamer un portefeuille ministériel. Et personne ne serait surpris.
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